OliveM

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Poil à Gratter pour démanger

samedi 28 août 2010

Petits arrangements entre Parisiens : le protocole Chirac/Mairie de Paris

Madame Hidalgo bonjour,

Je vous écris pour vous faire savoir ce que je pense de l'arrangement en vue dont tout le monde parle depuis 48 heures : le petit arrangement pécule/partie civile ou apparemment le deal en voie de conclusion entre la Mairie de Paris et Monsieur Chirac.

Vous avez tout récemment déclaré n'avoir rencontré aucun Parisien choqué par ce deal (sic).
Je suis au regret de vous dire que vous vous plantez en disant ça. A mon humble avis, vous n'avez pas du chercher beaucoup ni bien longtemps parmi vos administrés parisiens. Je suis personnellement parisien (14-ième), et de ceux qui sont plutôt "choqués" par ce petit arrangement, justement. Et ce pour quatre (4) raisons :

- PRIMO : cela permet à Monsieur Chirac non pas totalement de se soustraire à l'exercice de la justice, mais de s'y soustraire partiellement. Chacun sait bien que le parquet n'agira pas de la même façon ni avec la même fermeté s'il n'y a plus de constitution de partie civile. En outre Monsieur Chirac se retrouvera pour ainsi dire sans contradicteur. Cool... Dire comme le disent certains que cela ne facilitera pas le cas de Monsieur Chirac est donc pour le moins étonnant. Comme le dit au contraire M.Valls avec justesse (pour une fois) : cela peut vider le procès de sa substance. Cela ne manquera pas de donner l'image d'une justice à deux vitesses : d'un côté la justice pour les privilégiés (comme J.Chirac) qui ont les moyens financiers et "de réseaux" pour s'y soustraire plus ou moins, et de l'autre côté la justice pour les justiciables pékins lambdas qui n'ont pas ces moyens-là. C'est assez navrant. Une fois de pluis, et ici grâce au coup de pouce de son successeur socialiste à la Mairie de Paris (un comble !), Monsieur Chirac va selon toute vraisemblance pouvoir s’en sortir.

- SECUNDO : vous n'êtes pas sans savoir que les partis politiques sont financés en bonne partie par les deniers publics. C'est le cas de l'UMP comme c'est le cas des autres grandes formations politique. Quant on dit que l'UMP va financer à 75% le retrait de constitution de partie civile dont Monsieur Chirac est l'objet, c'est dire que 50% au moins seront financés par les deniers publics, donc par le contribuable, par vous Mme Hidalgo, et par moi-même. Dire que cela permettra au contribuable parisien de retomber sur ses pattes est un raccourci inexact dans le meilleur des cas, fallacieux dans le pire des cas. La vérité, c'est que la dette dont sont redevables les contribuables parisiens sera financée... par les contribuables français à l'échelon national (ndlr - donc aussi, pour partie, par les contribuables parisiens ! Le serpent qui se mord la queue, en somme). Dans l'affaire, ce cher Monsieur Chirac s'en tire pour la modique somme de 550.000 euros, sans même parler de la manière dont ça lui permet à priori de dégonfler son procès. Autant dire que c'est une aubaine pour lui. Si encore c'était lui qui payait les 2,2 millions d'euros. Que nenni, ce n'est même pas le cas ! reconnaissez Madame Hidalgo qu'au plan du principe et de la morale, tout ça est quand même assez nauséeux.

- TERTIO : compte tenu du climat actuel de dénonciation de la droite en général et du sarkozisme en particulier en matière de collusion entre pouvoir politique et pouvoir de l'argent, ce genre d'arrangement peut selon moi se révéler calamiteux au plan du symbole. L'image donné par la Mairie de Paris, c'est l'image d'une entité qui n'est obnubilée que par la récupération de ses 2,2 millions d'euros. Or il est clair que cette affaire "Chirac" va bien au-delà de ce seul problème pécuniaire. Et qu'on ne vienne pas me dire que la Mairie de Paris n'aurait pas récupéré la mise à l'issue d'un procès normal et entier : si tant est qu'elle est convaincue qu'il y ait effectivement eu faute et emplois fictifs, elle pouvait s'en tenir au bon déroulement de la justice pour récupérer ses billes.

- QUATRO : ce protocole d'accord ou "petit arrangement" s'est négocié en coulisses, entre M.Delanoe et l'UMP, voire entre M.Delanoe et l'Elysée. Personne au sein du Conseil de Paris n'a été mis ni au parfum, ni dans le coup. Et surtout pas les Verts, notamment, pourtant historiquement à l'origine de la toute première plainte pour cette affaire, du temps de Tibéri...

La grande nervosité à laquelle la réaction d'Eva Joly a conduit et conduit certains dirigeants du PS (Mme Aubry, M. Delanoe lui-même, etc.) indique à elle seule qu'il y a un problème, et que certains socialistes sont gênés aux entournures quand ils ont à faire à quelqu'un comme E.Joly qui met les pieds dans le plat, alors même qu'elle n'est pas née de la dernière pluie ni au plan juridique, ni au plan judiciaire, ni en matière de lutte anti-corruption. Le risque "
politique" pour le PS, dans l'affaire, c'est clairement qu'une partie des gens de gauche ulcérés par les conflits et collusions argent/politique (voir les diverses magouilles qui vont avec) se retournent vers Europe Ecologie et E.Joly, au moins au premier tour (voire plus si l'occasion leur en est donnée) des prochaines échéances électorales. N'oubliez pas que Mme Joly est un symbole premier de la lutte anti-corruption contre le pouvoir politique dans le mauvais sens du terme. Je ne suis pas convaincu que Monsieur Delanoe ni vous-même ayez beaucoup réfléchi à ce côté-là des choses (...)

Soyons clair : cette affaire Chirac n'est pas une banale affaire "judiciaire" et encore moins une banale affaire "pécuniaire". C'est aussi une affaire politique. En gérant de la sorte, Monsieur Delanoe feint de ne pas l'avoir compris, et ça, au plan de la morale politique c'est vraiment sujet à caution. «A partir du moment où nous signons un protocole d’accord qui nous indemnise pour le préjudice subi, nous n’avons plus de raison d’être partie civile», a justifié la mairie. Désolé Madame Hidalgo, mais personnellement je ne suis pas d'accord. Je pense que les choses ne sont pas aussi "triviales" que ça.

Tout le monde sait que ce deal a été suggéré par l'Elysée, puisque l'UMP est en réalité caporalisée par Monsieur Sarkozy et que c'est lui qui continue d'y tirer les ficelles (
même si certaines ficelles se distendent légèrement, ces derniers temps). En suggérant ce "donnant-donnant", la Sarkozie cherche évidemment à faire de la lèche à la frange chiraquienne de l'UMP, et à faire en sorte que ce procès Chirac se dégonfle, car ça ne viendrait in-fine qu'en rajouter une couche sur toutes les affaires auxquelles la Sarkozie est désormais plus ou moins confrontée (BetencourtGate, WoerthGate, KarachiGate, etc.). Appelons ça - au second degré - une sorte de "solidarité" de droite.

Madame Hidalgo, d'habitude vous m'êtes quelqu'un de plutôt sympathique. Mais là je vous suggère de ne pas parler trop vite au nom des "
parisiens", et encore moins au nom des "parisiens qui vote habituellement à gauche". Dans le meilleur des cas c'est facile et erratique. Dans le pire des cas c'est mensonger et très démagogique.

Le protocole d’accord ne deviendra effectif que s’il est voté lors du Conseil de Paris. Personnellement, en tant que parisien et en tant qu'électeur de gauche, je souhaite donc que le Conseil de Paris vote contre.

Olive M
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Diffusion : Mairie de Paris, Monsieur Delanoe maire de Paris, Madame Hidalgo première adjointe de Paris, Pascal Cherki maire de Paris XIV-ième, Parti Socialiste, les Verts, Europe Ecologie, l'Elysée, l'UMP, les parlementaires UMP, Monsieur Copé JF, les deux porte-baratin UMP Paillé D. et Lefèbvre
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Courriel diffusé sur le blog http://humeurs-olivem.blogspot.com/

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