OliveM

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Poil à Gratter pour démanger

dimanche 23 mai 2010

Ouvrage "Les yeux grands fermés" (Mme Tribalat) : immigration, chiffres et manichéisme idéologique.

COPIE DU MESSAGE A MME TRIBALAT (INED) AU SUJET DE SON LIVRE "LES GRANDS YEUX FERMÉS"

Madame Tribalat,

Je dois dire d'entrée de jeu que je n'ai pas lu votre dernier ouvrage intitulé "Les yeux grand fermés". Toutefois, j'ai parcouru diffrérentes choses à son sujet dans la presse (le Point d'avril, l'Express de mars, etc.) et sur Internet.

Quelque part et notamment sous couvert de Statistique, il vous semble de bon aloi de vous en prendre à ce que vous qualifiez "d'antiracisme idéologique".

Par les temps qui courent et suite par exemple au fameux débat sur "l'identité nationale", je crains toutefois que ce thème anti-"anti-racisme" soit en passe de devenir un sujet un peu "Tarte à la crème". Au rythme où vont les choses, il faudra bientôt que les ennemis du racisme veillent à s'autocensurer, au risque de passer au mieux pour des ringards, au pire pour des pyromanes.
Curieux paradoxe et curieux retournement de situation...

Au vu de ce qui en est présenté dans la presse (largo sensu), votre discours semble assez manichéen, Mme Tribalat. Selon vous, il n'y aurait apparemment guère de place entre un antiracisme "béat" d'un côté, et des vélléités racistes plus ou moins rampantes de l'autre. A lire certaines de vos lignes, afficher un antiracisme quelqu'il soit conduirait fatalement à une forme d'angélisme candide et une forme de naïveté un peu navrante. Cette vision en "noir ou blanc" est probablement simpliste, pour ne pas dire caricaturale. Un tel manichéisme n'est pas une fatalité.

Vous targuer comme vous le faites de mettre "les pieds dans le plat" (chose possiblement louable par certains aspects), même sous couvert de chiffres dont certains seraient bons à dire, ça ne vous donne pas tous les droits. A vous lire, ceux qui osent se dire antiraciste ne seraient rien moins que victimes de ce que vous qualifiez de "lobbies antiracistes". Je crains que tout cela ne fleure quelque peu la paranoïa et la "théorie du complot". Et l'on sait très bien où mènent parfois les "théories du complot"...

Je parle là en mon nom propre : je suis né en Centrafrique, j'y ai passé des années, de même qu'en Mauritanie et au Burkina ; je suis resté marié des années à une napolitaine (ces italiens du Sud qu'on considère souvent comme des "culs-terreux africains" - tradduzione "i terronni" - dans le Nord "bien pensant" de la botte transalpine)...
... eh bien, même si ça n'est pas très excentrique, je m'affiche antiraciste, et ce sans connaitre aucun "lobby antiraciste", désolé ! Très franchement, je ne me reconnais pas dans l'approche très manichéenne qui est manifestement la vôtre sur ces histoires de discours en matière d'immigration. Je travaille aussi pour un institut public de statistique, et cela ne me condamne pas non plus à une vision bipolaire et manichéenne de la chose chiffrée.

Il est à noter que la presse qui reprend vos propos reprend notamment certains des chiffres les plus "frappants" que vous mettez en avant concernant la proportion d'étrangers (Afrique subsaharienne, Maghreb...) présente à Blois, à Grigny ou à Montfermeil. Mais se polariser sur ces chiffres revient à se polariser sur des extrêmes. Se situer au-delà du neuvième décile n'a jamais suffi à résumer une distribution statistique. A ce tarif-là, vous auriez pu aussi vous situer en deçà du premier décile en évoquants le cas du XVI-ième arrondissement de Patis ou encore celui de Neuilly sur Seine...
Ne citer que les cas de Blois, Grigny ou Montfermeil revient à confondre deux phénomènes : l'immigration dont vous parlez d'une part, et l'extrême surconcentration de ces populations dans des zones précises d'autre part.
En l'espèce, assimiler le phénomène d'immigration à ces seules zones de surconcentration extrême ne me semble pas très honnête : ces situations sont plus symptomatiques de l'échec patent des soit disant "efforts" d'intégration et d'assimilation que de la politique d'immigration à proprement parler. Il conviendrait donc d'évoquer la faillite sur le long terme des politiques pompeusement qualifiées de "politiques de la ville", de B. Tapie à F. Amara en passant par JL. Borloo (...).

Plus largement : vous parlez "d'antiracisme idéologique" : si j'adoptais votre manichéisme, je serais tenté de vous dire qu'à tout prendre, je préfère encore "l'antiracisme idéologique" au "racisme idéologique" (...).

Loin de moi l'idée de vous taxer de xénophobisme intellectuel à proprement parler, Madame Tribalat. En tous cas pas de xénophobisme intellectuel conscient. Mais les discours (y compris à corpus scientifique) qui favorisent ou conduisent à justifier qui tels racismes conscients, qui tels racismes inconscients sont au final des discours plus insidieux que productifs, même s'il présentent de prime abord l'intérêt de sembler "originaux" et de sortir de l'ordinaire. On a déjà vu des discours plus honorables, pour ne pas dire des discours plus constructifs (...).

En fait, je crains surtout que vos angles d'analyse ne donnent, consciemment ou non, un angle d'attaque et une caution pseudo-scientifique aux tenants des discours potentiellement xénophobes, que ce soit des gens de l'extrême ou des gens de la droite dite "républicaine", mais tendance Besson et Hortefeux (...).
Sur ce terrain, je vous invite à faire une brève recherche Internet sur vos nom, prénom ou sur le titre de votre dernier ouvrage. Vous aurez le loisir d'observer qu'on tombe assez fréquemment sur des pages émanant d'une certaine "droite", pour ne pas dire d'une droite "certaine". Quand je dis "droite", le mot est faible (...).

Plus largement, en ce qui concerne l'immigration et son "coût" présumé pour la nation : compte tenu de notre passé et de notre passif coloniaux et postcoloniaux, il ne serait pas foncièrement choquant qu'aujourd'hui en temps de crise les immigrés coûtent un peu plus cher qu'ils ne "rapportent" au plan de la comptabilité nationale. Sur ce terrain glissant, il convient sans doute de voir les choses à travers le prisme du long terme, pour ne pas dire celui du long terme historique.

Les propensions de la nation française, durant les 30 glorieuses, à accueillir les Africains pour qu'ils fassent "certains boulots" tenait elle aussi d'une posture typiquement postcoloniale. Même la droite extrême de l'époque (y compris le spécialiste OAS de la gégène en Algérie, JM. Le Pen) ne trouvait trop rien à y redire (...).

Du reste, comment s'étonner que la France ait été et soit encore (dans une certaine mesure) un "modèle" de destination migratoire dans les pays de l'Afrique dite "francophone", sachant que la France y a stationné durant des lustres pour y inculquer les "bons canons" de la civilisation occidentale "à la française" ? Ça laisse forcément des séquelles. L'occupation coloniale et l'exploitation postcoloniale de long terme ont forcément des conséquences sociologiques... sur le long terme, par définition !

Soyons clair : sur ce long terme historique et même sur le passé de moyen terme, la France s'y retrouve largement. Il suffit de voir â quelles manoeuvres de pillage et de corruption des élites locales continuent de s'adonner des boites comme Elf, Total, Bouygues, Areva et Cie depuis les "indépendances" pour se convaincre qu'aujourd'hui le bilan est "globalement positif" pour la France. Ce ne sont pas les réseaux paradiplomatiques de la françafrique (les Foccart, Guy Penne, Pasqua, J.C Mitterrand et même aujourd'hui Guéant, Bourgi etc.) qui vous diront le contraire (du moins en privé). Ce en dépit du "coût de l'immigration" dont s'offusquent certains esprits chagrins depuis de début des crises occidentales de récession en 1973...

Une remarque précise sur le papier du Point du mois de mars ; par rapport à votre façon de penser, je ne comprends pas bien l'objet du chapitre intitulé "Des mariages pas vraiment mixtes". Si je capte bien l'idée, c'est qu'il y aurait en fait de nombreux mariages "mixtes" qui ne seraient pas mixtes, au sens où ils n'engageraient pas de français dits "de souche". Soit. Et alors ? Où est le problème ? Au pire, le bon français de souche moyen et qui entend le rester (...) devrait se réjouir qu'il n'y ait pas trop de "mélanges", de même que la frange très droitière de l'opinion, droite sarkoziste tendance Hortefeux comprise, non ?

Ceci étant, sur le terrain de l'immigration, je trouve évidemment plus saine une discussion venant des sphères pensantes, philosophes, historiennes, démographes, etc. que les tentatives très artificielles de "débat identitaire" qui nous sont parachutées du haut, par la sphère gouvernante. Hormis le caractère assez spécieux des amalgames sarkozistes et bessonniens entretenus entre "immigration" et "identité nationale", je ne pense pas que l'État soit dans son rôle en prétendant devoir orchestrer du haut ce genre de débat dans l'opinion...

Olivier Montel

PS - dans son papier du mois d'avril, Le Point assimile "origine ethnique" et "lieu de naissance". Il s'agit là bien sur d'un raccourci assez folklorique. Des centaines de milliers de français sont nés à l'étranger et n'en sont pas moins des français que vous qualifiez "de souche". Par exemple je suis né en Centrafrique : cela ne fait pas de moi le membre des ethnies Babinga, Pygmée ou Gbaya !
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Diffusion : Michèle Tribalt (INED), le Point, Xavier Thierry (INED), Hervé Le Bras (INED), Guy Desplanque (INSEE), site web de l'INED, Directrice de l'INED, l'Express, , le NouvelObs, Libération, Marianne, le Bigaro, le Bigaro Magazine, la Taupe du FN E. Besson, le pompier pyromane de la place Beauvau B. Hortefeux, l'aimable PolitBüro du front national, porte-baratin du ministère de l'Intérieur, l'apprenti-pyromane UMP E. Ciotti, UMP, parlementaires UMP, JF. Copé chef de meute parlementaire UMP, porte-baratin de l'UMP F. Lefèbvre, enfin le bunker de l'Élysée.

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